Edito : mon vote sur les néonicotinoïdes

Ce mardi 6 octobre 2020, j’ai voté « pour » le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire.
 
Si c’est à contre-cœur que j’ai voté ce texte, je suis convaincue qu’il est indispensable. Je reste fermement opposée au retour des néonicotinoïdes sur le territoire français. Je connais les effets dévastateurs de cette molécule sur le vivant.
 
Pourtant, nous n’avions pas d’autre choix que de déroger temporairement et dans des conditions très strictes à cette interdiction, étant donné la situation dans laquelle se retrouvent les agriculteurs qui produisent des betteraves sucrières.
 
Ces derniers sont, en effet, confrontés à une crise inédite : la saison dernière, ils ont fait face à une attaque de pucerons verts sans précédent. Or, cet insecte, vecteur du virus de la jaunisse, s’en prend aux feuilles des betteraves qui s’atrophient. La photosynthèse ne peut alors plus s’opérer, la racine ne grossit plus et ne produit plus de sucre. Les baisses de rendement déjà observées sont comprises entre 30 % et 50 %.
 
Pour la saison prochaine, les betteraviers hésitent à semer des betteraves et sont prêts à s’orienter vers des cultures moins fragiles ou pour lesquels des méthodes de biocontrôle efficaces existent déjà.
 
Si ce choix venait à se confirmer, c’est toute notre industrie sucrière qui serait en danger, soit 25 000 agriculteurs et 21 sucreries menacés, pour un total de 46 000 emplois. Nous pourrions perdre, en une saison, la totalité de notre capacité de production et, partant, notre autosuffisance en sucre.
 
Depuis l’adoption de la loi interdisant les néonicotinoïdes en 2016, la recherche n’a pas trouvé de palliatif pour venir à bout de cette jaunisse de la betterave.
 
Lors de la dernière campagne, pour pallier l’interdiction des néonicotinoïdes sous toutes ses formes, nos agriculteurs n’ont eu d’autre choix que d’utiliser des pyréthrinoïdes, une classe d’insecticides appliqués par pulvérisation qui détruisent tous les insectes présents au moment de l’opération, donc les pucerons responsables de la jaunisse de la betterave, mais aussi les coccinelles et, bien entendu, les abeilles.

Portrait vertical

C’est pour ne pas rester dans une impasse et éviter l’utilisation des pyréthrinoïdes que le gouvernement a proposé le texte de loi adopté à l’Assemblée et qui doit maintenant être discuté au Sénat.
 
De plus, il est à noter que les betteraves ne produisent pas de fleurs avant la période de récolte, ce qui limite l’impact de l’autorisation d’utilisation des néonicotinoïdes sur les insectes pollinisateurs.
 
Néanmoins, et afin de prendre toutes les précautions pour protéger ces insectes, des conditions strictes d’usage seront associées pour l’examen de toute demande de dérogation :
  • Seule la technique dite de « l’enrobage des semences » pourra être envisagée. La pulvérisation demeurera interdite, afin de limiter les risques de dispersion du produit ;
  • Interdiction de planter des cultures attirant des pollinisateurs suivant la récolte des betteraves afin de ne pas les exposer aux résidus éventuels de produits ;
  • La définition d’ici fin 2020 d’un plan de protection des pollinisateurs, visant à renforcer leur protection pendant les périodes de floraison, et à mieux prendre en compte les enjeux associés aux pollinisateurs au moment de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
Toute dérogation ne pourra être accordée qu’en cas d’impasse technique, liée notamment aux conditions climatiques. Cette dérogation n’est prévue que pour trois ans et sera réévaluée chaque année.
 
Durant cette période, les professionnels devront obligatoirement mettre en place des plans de prévention pour prévenir de futures infestations d’insectes ravageurs.
 
Le Plan de Relance consacrera un financement renforcé et conséquent à la recherche pour accélérer l’identification d’alternatives en biocontrôle véritablement efficaces : 5 millions d’euros supplémentaires seront mobilisables dès 2021.
 
En votant ce projet de loi, nous accompagnons la filière sucrière dans sa transition, nous lui donnons les moyens de trouver des solutions pérennes, sans néonicotinoïdes, face à la jaunisse de la betterave.
 
Ce vote fut, pour moi, un vote difficile mais j’ai la conviction que nous n’avions pas d’autre solution.
 
Dans l’actualité