Question écrite sur la gestion des effluents

J’ai récemment alerté la Mme la ministre de la transition écologique sur le projet d’arrêté sur la gestion des effluents, soumis pour avis aux organisations professionnelles.

Ce texte vise à réglementer dans un même arrêté l’épandage et le stockage des effluents de toutes les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), quel que soit leur secteur d’activité. Ce projet d’arrêté aurait toutefois un impact déstructurant pour l’ensemble de l’élevage français et des territoires ruraux.

D’une part, il serait une source de complexification pour les éleveurs, du fait de l’introduction du secteur de l’élevage dans un dispositif initialement pensé pour l’industrie. Les enjeux environnementaux liés aux effluents d’élevage, qui constituent des fertilisants naturels de proximité (les effluents d’élevage représentent 95% des matières organiques retournant au sol) et dont la composition est connue, sont proprement spécifiques et ainsi difficilement comparables aux autres secteurs.

Dans quel but encadrer la gestion des effluents d’élevage dans la même réglementation que les autres secteurs, tout en maintenant l’épandage des boues urbaines dans une réglementation distincte ?

Peu lisibles par les acteurs de terrain, les nouvelles mesures ne correspondent pas aux enjeux des effluents d’élevage.

En outre, les prescriptions pour leur épandage sont déjà harmonisées par les arrêtés « ICPE élevage » de 2013 : le fait que l’épandage et le stockage des effluents d’élevage puissent être encadrés par une réglementation distincte du reste de l’ICPE élevage, présente, dans l’état actuel du projet d’arrêté, un risque de complexification des procédures.

Ce texte imposerait en effet davantage de contraintes administratives et économiques pour les 78 000 élevages ICPE concernés, sans réel bénéfice pour l’environnement. Certaines de ces contraintes sont susceptibles d’avoir des conséquences majeures sur le terrain, et de limiter fortement les perspectives d’évolution des éleveurs dans leurs projets de modernisation, essentiels pour la pérennité des entreprises.

Le projet d’arrêté prévoit par exemple de faire passer de 100 à 200 mètres la distance minimale d’implantation des ouvrages de stockage d’effluents vis-à-vis des tiers, pour les élevages en régimes enregistrement et autorisation, à partir de 2023. Dans un contexte de mitage et d’urbanisation croissante des territoires ruraux, cela amplifierait de façon radicale les difficultés pour trouver des emplacements pour installer de nouveaux élevages. Cette disposition fait courir le risque d’empêcher la modernisation des élevages existants, et de reléguer les activités d’élevage dans les espaces que l’urbanisation croissante des territoires lui laissera.

En outre, le projet d’arrêté imposera à l’ensemble des élevages un relèvement très important des obligations de suivi et de gestion des risques liés aux épandages. Or, l’épandage des effluents d’élevage est déjà fortement réglementé, et leur retour au sol en tant que fertilisants organiques ne justifie pas d’imposer aux éleveurs des précautions relevant de la gestion des déchets.

De nombreuses dispositions du projet d’arrêté mériteraient ainsi de faire l’objet d’une étude approfondie pour en mesurer l’intérêt environnemental et les conséquences pour l’élevage, telles que l’introduction d’un contrôle par un organisme externe de l’étanchéité des ouvrages de stockage, ou encore la transformation du plan d’épandage ICPE.

C’est pourquoi il semblerait judicieux de suspendre le processus d’adoption de ce projet d’arrêté en vue du maintien d’une spécificité « élevage » dans la réglementation sur les ICPE, afin de trouver le bon équilibre entre la gestion des enjeux environnementaux et la recherche de simplification administrative.

 

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